La répétition discursive des éléments musicaux
Comme le langage, la musique est faite de différents éléments qui constituent une grammaire. Les plus petits éléments sonores du langage qui font du sens sur le plan auditif sont les phonèmes et leurs correspondants, dans le domaine musical, sont les musèmes. Les riffs, que l’on trouve dans le rock et dans certains genres de musique Afro-Américaine, sont des répétitions de musèmes: ils constituent en conséquence ce que l’on appelle une répétition “musematique”. Ces courtes phrases musicales introduisent généralement un refrain et sont elles-mêmes reprises à travers différentes mélodies. Parmi des dizaines de milliers, un exemple de riff peut être entendu dans ‘Creep’, de Radiohead. Son sens ici a trait à l’apitoiement sur soi à cause d’un béguin futile.
A côté de la répétition musematique, la répétition discursive est en fait la duplication d’unités sonores plus longues. On la trouve par exemple dans ‘Love me tender’ de Elvis Presley. Cette duplication spécifique permet de créer un effet de symétrie dans la chanson. Notons que les deux types de répétition, musematique et discursive, ont des effets fort différents, parce qu’elles ne contiennent pas la même quantité d’information.
Linguistique, sémiotique et imagerie musicale
Un objet majeur de la sémiotique musicale est d’en savoir plus sur la manière dont les auditeurs peuvent combiner les signes musicaux avec des mots et aussi avec leurs humeurs. Des études ont été faites qui impliquent le champ de la psychologie humaine, notamment par un chercheur dénommé Bruno de Florence, qui a établi des parallèles entre des essais de sémiologie musicale et des écrits de Freud ou Lacan, de manière à expliquer des données relatives à la constitution d’une imagerie musicale par l’auditeur de musique.
Dans le domaine de la linguistique, Noam Chomsky, qui fut un jour présenté au chef d’orchestre Leonard Bernstein pendant une conférence à Harvard, était particulièrement intéressé par la musique. Chomsky expliqua que, comme le corps, l’esprit est un système hautement différencié avec différents organes et facultés, plutôt qu’un tout uniforme. Le langage est une de ses facultés, la musique en est une autre: choisir une mélodie ou écrire un narratif pour un orchestre, c’est organiser la pensée.
Quant aux auditeurs de musique, ils produisent du sens à partir des divers éléments perçus dans une musique. Ils produisent une réponse, comme dans toutes les formes de communication.
A partir de ces données, on peut s’interroger. En effet, qu’est-ce qui fait qu’une séquence de notes, un rythme spécifique et des harmonies particulières produisent plus de sens que d’autres? Pourquoi amènent-elles des réponses plus favorables de la part des auditeurs? Et pourquoi est-ce que l’appréciation musicale est fondamentalement individuelle, même si chaque genre de musique a ses règles générales partagées par une communauté? Pour les mêmes raisons qu’un essai va y arriver et un autre non: chaque individu est le produit d’une culture spécifique et il faut de temps pour former de nouvelles habitudes d’écoute musicale, c’est comme étudier un autre langage.
Voilà pourquoi tout le monde n’aime pas tous les styles de musique. Passer d’un style de musique à un autre, c’est parfois presque passer d’une langue à l’autre, il faut en conséquence du temps pour en comprendre les subtilités, surtout si l’on se situe au niveau de la découverte de la musique elle-même.