De la théorie et de la pratique aux ventes et à la distribution : comment est-ce que la musique est présentée sous une forme physique?
Le support le plus ancien sur lequel la musique a été enregistrée et conservée pour la première fois, c’était les “long plays” ou LP, qui étaient des disques joués par des phonographes, qui furent ensuite remplacés par des tourne-disques et enfin par des platines. Le phonographe (le mot vient du grec ancien et signifie littéralement “appareil qui écrit le son”), apparu en 1877, était tout d’abord mécanique. Les premiers phonographes furent fabriqués par Thomas Edison, un ingénieur américain. Un autre ingénieur américain, Emile Berliner, créa, à la même époque, des appareils similaires qui furent appelés phonographes, ainsi que gramophones (du nom de la marque déposée par Berliner).
Edison était un ingénieur et aussi un entrepreneur. En 1896, il fonda la National Phonograph Company (Thomas A. Edison, Inc.) avec l’objectif d’introduire un phonographe dans chaque maison des Etats-Unis et Edison Records commença à produire les disques lus par cet appareil. La société cessa ses activités en 1957 (rachetée par McGraw Electric, elle devint un fabricant de produits fonctionnant à l’électricité).
En 1901, Berliner lança sa propre maison de disques pour produire ses propres appareils et disques: la Victor Talking Machine Company. Cette société fut acquise en 1929 par General Electric (fondée par Thomas Edison) et s’appela dès lors RCA Records. En 1985, RCA Records fut vendue à une autre société, Sony Music Entertainment (une filiale de la société japonaise Sony Corporation). Notons que Victor Records permit d’enregistrer les performances d’oeuvres de musiciens classiques comme Sergei Rachmaninov, mais aussi celles des fondateurs de la musique country, notamment Jimmie Rodgers et la Famille Carter.
Les phonographes devinrent rapidement des appareils électriques et, par la suite, portables. Leurs formes ont varié au fil du temps, le changement majeur résidant dans la disparition de leur pavillon. La manufacture des disques évolua elle aussi au fil des décennies. Les disques, d’abord fait avec du métal, qui fut successivement remplacé par de la gomme-laque, de la cire et enfin des matériaux thermoplastiques. Ces derniers produits furent qualifiés de vinyles et furent produits de manière massive des années 1950 aux années 1990. Les disques devinrent de plus en plus solides et donc résistants dans le temps et aussi plus légers. En outre, la durée de musique imprimée sur chaque disque devint plus importante au fil du temps: le premier disque pour phonographe ne pouvait contenir que quelques minutes de musique, mais les derniers vinyles, eux, jouaient de la musique pendant plus d’une heure. Remarquons que depuis le début, le marketing autour des phonographes et des disques avait été particulièrement fort. Edison lui-même était un “évangéliste” de ses propres produits, déclamant ce slogan: “Je veux voir un phonographe dans chaque maison d’Amérique!” et sa compagnie offrait des essais gratuits pour créer de la demande. Par ailleurs, les pochettes de disques, par exemples celles des disques Victor, étaient considérées par les fans comme des oeuvres d’art.
Après l’arrivée du disque compact, la fabrication de vinyles s’éteignit, avant de connaître un modeste retour durant les années 2010, en tant que produit “rétro”, mais cependant “tendance”. Le disque compact fut mis au point par l’inventeur américain James T. Russell, qui déposa des brevets pour protéger ses inventions. Le disque compact fut le premier système à enregistrer de l’information digitale sur une feuille transparente avec des méthodes spéciales dans le domaine de l’optique et son contenu était lu à l’aide d’une lampe halogène puissante. Une compagnie canadienne, Optical Recording Corps, et ensuite, après cela, deux grandes corporations, Sony Corporation (Japon) et Philips N.V. (Pays-Bas), exploitèrent commercialement les brevets de Russell. Ces deux dernières sociétés engagèrent des ingénieurs afin de faire le design d’un disque spécial, sur base de la technologie mise au point par l’inventeur. Des premiers prototypes de ce disque apparurent en 1974. La technologie fut présentée devant un public un peu moins restreint en 1979, à Bruxelles (Belgique), lors de la Convention tenue par l’Audio Engineering Society.
Cette année-là, Philips signa un contrat avec la société anglaise Polydor Records (une branche de la société Deutsche Grammophon créée en 1924). Les premiers résultats furent notamment un test de pressage de disques compacts en 1979, une première opération commerciale en 1986 et, en 1986, le pressage d’une première oeuvre de musique populaire. Techniquement parlant, un disque compact est une pièce circulaire en plastique (polycarbonate) et son poids est de 20 grammes environ. La surface contenant les informations musicales digitales est protégée par un film de vernis (un liquide fait de laque dissoute dans de l’alcool ou dans des substances de nature synthétique). Sa vitesse de lecture peut atteindre 1229 Mbits par seconde. Les lecteurs de disques compacts furent les premiers lecteurs de musique à être inclus dans les ordinateurs des voitures.
A partir de 1994, l’usage des disques compacts diminua rapidement suite à l’arrivée de la musique en ligne, musique accessible en ligne via la format de fichier MP3 notamment, ainsi que des plates-formes de distribution (dès 1999). Celles-ci sont caractérisées par le fait qu’elles offrent aux auditeurs un accès direct à la musique: les auditeurs ne doivent plus passer par un intermédiaire tel que le disquaire. De même, les compositeurs, grâce à elles, peuvent se faire connaître directement par de nouveaux auditeurs dans le monde entier, sans que leur musique doive obligatoirement être publiée et distribuée par un label s’ils ne peuvent pas supporter les coûts des services offerts par les éditeurs et les détaillants.
Pour les artistes qui ont choisi de signer un contrat avec un label, la gestion des droits d’auteurs est devenue une réalité plus complexe (elle l’était déjà). Pour les amateurs de musique qui ne veulent pas nécessairement posséder la musique qu’ils écoutent, la consommation de musique est devenue totalement gratuite en l’espace de quelques années. C’est totalement nouveau dans le contexte de l’industrie musicale, alors que Edison et Berliner avaient lancé les bases d’un marché propriétaire très fructueux pour les éditeurs, qui étaient dans une situation de quasi-monopole.